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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2D_22/2022  
 
 
Arrêt du 9 mai 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Hartmann et Ryter. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Kevin Saddier, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
République et canton de Genève, soit pour 
elle le Département de la sécurité, de la 
population et de la santé, 
rue de l'Hôtel-de-Ville 14, 1204 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Responsabilité de l'Etat pour une détention dans des 
conditions illicites, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de 
Genève, Chambre civile, du 29 mars 2022 
(ACJC/468/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, citoyen portugais né en 1976 et séjournant sur territoire suisse depuis 1997, a fait l'objet de neuf condamnations pénales entre 2010 et 2016. Durant cette période, il a notamment été condamné à suivre une mesure thérapeutique institutionnelle en milieu ouvert au sens de l'art. 59 du Code pénal suisse, ainsi que, plus tard, un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 de ce même code.  
 
A.b. Le 13 février 2017, A.________ a été arrêté, avant d'être placé en détention provisoire à la prison genevoise de Champ-Dollon dès le lendemain. Il lui était en particulier reproché d'avoir frappé un voisin à la tête à l'aide d'une masse en date du 22 décembre 2016 à Genève.  
 
A.c. Par jugement du 17 septembre 2018, le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal correctionnel) a reconnu A.________ - toujours incarcéré à Champ-Dollon - coupable de tentative de meurtre et d'infractions à la loi sur les stupéfiants. Il l'a condamné pour cette raison à une peine privative de liberté de trois ans et demi, sous déduction de 582 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de 100 fr. Il a par ailleurs ordonné la réintégration de l'intéressé dans la mesure institutionnelle de traitement des troubles mentaux au sens de l'art. 59 du Code pénal suisse prononcée en 2010, de même que son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans.  
Par arrêt du 6 mars 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté l'appel formé par A.________ contre le jugement précité et, partant, confirmé ce dernier, tout en ordonnant le maintien de l'intéressé en détention pour des motifs de sûreté. 
Contre l'arrêt cantonal, A.________ a déposé un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il contestait sa réintégration dans l'exécution de la mesure institutionnelle de traitement des troubles mentaux au sens de l'art. 59 du Code pénal suisse, concluant à ce qu'une mesure thérapeutique institutionnelle relative au traitement des addictions au sens de l'art. 60 de ce code soit ordonnée. Par arrêt 6B_578/2019 du 4 juillet 2019, le Tribunal fédéral a rejeté ledit recours. 
 
A.d. Après avoir recueilli l'avis de divers services de l'Etat sur l'opportunité d'exécuter la mesure thérapeutique institutionnelle de A.________ en milieu ouvert ou fermé, ainsi qu'invité le Ministère public et A.________ - toujours incarcéré à Champ-Dollon - à faire part de leurs observations à ce sujet, le Service de l'application des peines et mesures de la République et canton de Genève (ci-après: le Service d'application des mesures) a ordonné le placement de ce dernier en milieu fermé par décision du 11 mars 2020. Cette décision, qui précisait également les modalités d'exécution de la mesure, n'a pas été contestée par l'intéressé.  
 
A.e. En date du 23 mars 2020, le Service d'application des mesures a entrepris des démarches auprès de l'établissement pénitentiaire fermé Curabilis en vue d'y faire transférer A.________. Il a alors obtenu que le dossier de celui-ci soit placé en liste d'attente dès le 1er avril 2020, avant qu'un transfert ne soit concrètement effectué dans l'établissement en date du 27 juillet 2020.  
 
B.  
Par demande déposée en conciliation le 20 novembre 2020 et au fond le 5 février 2021, A.________ a actionné la République et canton de Genève en concluant à ce que celle-ci soit condamnée à lui payer la somme de 25'400 fr., avec intérêts à 5 % l'an dès le 27 juillet 2020. Il se plaignait de la durée excessive de son incarcération à Champ-Dollon dans l'attente de subir la mesure thérapeutique institutionnelle en milieu fermé à laquelle il avait été condamné. 
Par jugement du 25 août 2021, le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève a débouté A.________ de toutes ses conclusions en indemnisation. Statuant sur appel de l'intéressé, la Chambre civile de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a confirmé ce jugement par arrêt du 29 mars 2021. 
 
C.  
A.________ (ci-après: le recourant) dépose un recours constitutionnel subsidiaire auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour de justice du 29 mars 2021. Outre l'octroi de l'assistance judiciaire complète et la désignation de Me Kevin Saddier en qualité de défenseur d'office, il demande l'annulation de l'arrêt attaqué et, cela fait, conclut principalement à ce que la République et canton de Genève soit condamnée à lui payer la somme de 25'400 fr., avec intérêts à 5 % l'an à compter du 27 juillet 2020, et, subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Cour de justice a renoncé à prendre position sur le recours, se référant aux considérants de son arrêt. Le Département cantonal a pour sa part répondu au recours, dont il conclut au rejet. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1). 
 
1.1. Le recours est dirigé contre une décision qui concerne une problématique relevant de la responsabilité étatique dans le cadre de l'exécution d'une mesure pénale. Il appartient à la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral de le traiter, puisqu'il s'agit d'examiner le bien-fondé de prétentions en responsabilité de l'Etat en dehors de la procédure pénale proprement dite (art. 30 al. 1 let. c ch. 1 et 33 RTF [RS 173.110.131]; arrêts 2C_704/2021 du 12 mai 2022 consid. 1.1, non publié in ATF 148 I 145; 2C_544/2021 du 11 mai 2022 consid. 1.1).  
 
1.2. Le recourant a déclaré interjeter un recours constitutionnel subsidiaire. Cette voie de recours n'est ouverte que si la décision attaquée ne peut faire l'objet d'aucun recours ordinaire (cf. art. 113 LTF). Une telle condition est remplie in casu, dès lors que, s'agissant d'une cause relevant, comme en l'espèce, du droit public régissant la responsabilité étatique (art. 82 let. a LTF), la voie de recours en matière de droit public n'est ouverte que si la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. ou si la contestation soulève une question juridique de principe (cf. art. 85 LTF). Or, on ne voit pas en l'espèce que l'une de ces conditions alternatives soit réunie s'agissant de la cause du recourant, qui réclame une indemnité pour tort moral de 25'400 fr., plus intérêts, à la République et canton de Genève, en se référant à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l'homme relative à l'art. 5 CEDH. Seule la voie du recours constitutionnel subsidiaire est ainsi envisageable.  
 
 
1.3. La voie du recours constitutionnel subsidiaire ne permet que de se plaindre de la violation d'un droit constitutionnel (cf. art. 116 LTF). En l'occurrence, dans son mémoire, le recourant se plaint de la violation de son droit, garanti à l'art. 5 CEDH, à se voir indemnisé pour la période de détention prétendument irrégulière qu'il aurait subie durant les dix-sept derniers mois de son incarcération à la prison de Champ-Dollon et, partant, de la violation de l'un de ses droits constitutionnels, au nombre desquels figurent en effet ceux garantis par la CEDH (ATF 131 I 366 consid. 2.2; aussi arrêt 8C_351/2022 du 22 février 2023 consid. 6.2, destiné à la publication). Il dispose à ce titre d'un intérêt juridique à obtenir la modification de l'arrêt attaqué, qui lui dénie toute réparation pour cette période de détention (art. 115 LTF). En outre, son recours est dirigé contre une décision finale (art. 117 et 90 LTF), rendue par une autorité judiciaire supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 113 LTF). Il a enfin été déposé en temps utile en tenant compte de la suspension des délais durant la période pascale (art. 46 al. 1 let. a LTF; art. 117 et 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF).  
 
 
1.4. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le recours constitutionnel subsidiaire déposé.  
 
2.  
En vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, les griefs relatifs à la violation d'un droit constitutionnel, seuls admissibles dans le cadre d'un recours constitutionnel subsidiaire (cf. art. 116 LTF), doivent être invoqués et motivés de façon détaillée en précisant en quoi consiste la violation, sous peine d'irrecevabilité (ATF 138 I 232 consid. 3). Le Tribunal fédéral les examine en se fondant sur les faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 116 (art. 118 al. 2 LTF), ce que la partie recourante doit également démontrer d'une manière circonstanciée et précise (art. 106 al. 2 LTF par renvoi de l'art. 117 LTF). Toutefois, en l'espèce, le recourant déclare expressément fonder son recours "sur l'état de fait tel qu'établi par la Cour cantonale". 
 
3.  
Le litige porte sur les prétentions en indemnisation que le recourant fait valoir à l'encontre de la République et canton de Genève en raison de son incarcération à la prison de Champ-Dollon jusqu'au 27 juillet 2020. L'intéressé soutient que cet établissement aurait été totalement inadapté à l'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle pour troubles mentaux à laquelle il avait été astreint par jugement sur appel de la Chambre pénale de la Cour de justice du 6 mars 2019. La Chambre civile de la Cour de justice a toutefois rejeté les prétentions en dommages et intérêts du recourant en considérant qu'eu égard aux circonstances, sa détention à Champ-Dollon s'était déroulée jusqu'à son terme conformément au droit fédéral et de manière "régulière" au sens de l'art. 5 CEDH, même si elle n'avait pas eu lieu dans un établissement spécialisé dans l'exécution des mesures thérapeutiques institutionnelles. D'après l'autorité précédente, la détention du recourant à Champ-Dollon ne pouvait dès lors pas être qualifiée d'illicite ni, par conséquent, engager la responsabilité de la République et canton de Genève. 
 
4.  
Le recourant affirme que l'arrêt attaqué viole l'art. 5 CEDH, qui lui assure le droit fondamental d'être détenu de façon régulière, ainsi qu'un droit à réparation en cas de détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article. Il convient dès lors d'en présenter la portée et son articulation avec le droit interne. 
 
4.1. L'art. 5 par. 1 CEDH dispose que toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Il précise en outre que nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans certains cas, notamment s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent (let. a) ou s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond (let. e), pour autant que cette détention s'opère selon les voies légales. Toute personne faisant l'objet d'une arrestation ou d'une privation de liberté violant les exigences de cette disposition a droit à des dommages-intérêts en application de l'art. 5 par. 5 CEDH, qui constitue une norme de responsabilité autonome comprenant un droit non seulement à des dommages-intérêts proprement dits, mais aussi à une réparation morale (ATF 129 I 139 consid. 2; 125 I 394 consid. 5; 124 I 274 consid. 3d; 119 Ia 221 consid. 6a; cf. aussi arrêt 2C_544/2021 du 11 mai 2022 consid. 4.1).  
 
4.2. Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: la CourEDH) renvoie pour l'essentiel à la législation nationale au moment de vérifier si une détention a eu lieu "selon les voies légales" et s'avère "être régulière" au sens de l'art. 5 par. 1 CEDH et, partant, si elle doit donner lieu à réparation au sens de l'art. 5 par. 5 CEDH; elle consacre de cette manière l'obligation des Etats signataires de respecter leurs propres normes procédurales et matérielles lors d'une mise en détention et du maintien de celle-ci. La CourEDH exige cependant aussi que toute privation de liberté soit, de manière générale, conforme au but de l'art. 5 CEDH, lequel tend à protéger l'individu contre l'arbitraire. A cet égard, elle a rappelé à maintes reprises - et notamment dans des arrêts relatifs à des requêtes dirigées contre la Suisse - qu'il devait toujours exister un lien entre le motif censé justifier la privation de liberté d'une part et le lieu et le régime de détention d'autre part (cf. arrêts de la CourEDH Kadusic c. Suisse du 9 janvier 2018[requête n° 43977/13], § 45; Papillo c. Suisse du 27 janvier 2015[requête n° 43368/08], § 41 s.; cf. aussi arrêt 6B_1069/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1). Il s'ensuit que, selon la jurisprudence de la CourEDH, la détention d'une personne souffrant de troubles mentaux ne peut en principe être considérée comme "régulière" au regard de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH que si elle s'effectue dans un hôpital, dans une clinique ou dans un autre établissement approprié (arrêts de la CourEDH W.A. c. Suisse du 2 novembre 2021 [requête n° 38958/16], § 37; Papillo c. Suisse précité, § 42 et les références citées).  
 
4.3. Le seul fait qu'un détenu pour troubles mentaux ne soit pas intégré dans un établissement approprié n'a toutefois pas pour effet automatique de rendre sa détention irrégulière au regard de l'art. 5 par. 1 CEDH selon la CourEDH. Celle-ci admet qu'un équilibre raisonnable doit être ménagé entre les intérêts opposés en cause, étant entendu qu'un poids particulier doit être accordé au droit à la liberté. Dans cet esprit, elle prend en compte les efforts déployés par les autorités internes en vue de trouver un établissement adapté lorsqu'elle évalue la régularité du maintien en détention avant un transfert dans celui-ci (cf. arrêts de la CourEDH Papillo c. Suisse précité, § 43 et les références citées; De Schepper c. Belgique du 13 octobre 2009 [requête n° 27428/07], § 47 s.; cf. aussi arrêt 6B_1069/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1). Ainsi, dans l'affaire Papillo, relative à la Suisse, la CourEDH s'est penchée sur la détention d'une personne qui, après le prononcé d'une mesure thérapeutique institutionnelle, était demeurée en détention dans des établissements inappropriés durant près de douze mois - entrecoupés par un séjour de quelques mois en clinique spécialisée - ce jusqu'à sa libération conditionnelle. La CourEDH a jugé qu'une telle détention ne violait pas l'art. 5 par. 1 CEDH, dès lors que les autorités avaient pris contact avec plusieurs institutions adéquates susceptibles d'accueillir l'intéressé, que ce dernier avait refusé de se rendre à un entretien auprès de l'une d'elles et qu'il avait bénéficié de consultations médicales régulières et d'un traitement neuroleptique dans le cadre de sa détention (arrêt de la CourEDH Papillo c. Suisse précité, § 46 ss).  
 
4.4. En conformité avec les exigences posées par l'art. 5 par. 1 let. e CEDH, l'art. 59 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP; RS 311) prévoit quant à lui que le traitement institutionnel d'une personne ayant commis un crime ou un délit en relation avec un grave trouble mental - tel que celui auquel le recourant a été astreint - doit en principe s'effectuer dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures (al. 1 et 2). Cet établissement, qui doit être dirigé ou surveillé par un médecin et disposer des installations nécessaires et d'un personnel jouissant d'une formation appropriée (cf. arrêts 6B_1483/2020 du 15 septembre 2021 consid. 5.1; 6B_445/2013 du 14 janvier 2014 consid. 4.4.1; 6B_384/2010 du 15 septembre 2010 consid. 2.1.1), doit être fermé lorsqu'il y a lieu de craindre que le condamné ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions, conformément à l'art. 59 al. 3 CP. Dans un tel cas, la mesure thérapeutique institutionnelle peut aussi être effectuée dans un établissement d'exécution de peines privatives de liberté au sens de l'art. 76 al. 2 CP, si le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié (cf. art. 59 al. 3 CP in fine). Tenant compte de la jurisprudence de la CourEDH exposée plus haut, le Tribunal fédéral a toutefois précisé que le placement dans un tel établissement de détention n'était en principe possible qu'en tant que solution à court terme pour pallier une situation d'urgence, dans l'attente d'un transfert dans un établissement spécialisé. D'après la jurisprudence fédérale, un placement à plus long terme dans un établissement pénitentiaire ou de détention ordinaire en vue de l'exécution d'une mesure thérapeutique est ainsi inadmissible, à tout le moins tant et aussi longtemps que le détenu ne se voit pas dispenser le traitement qui lui est nécessaire par du personnel qualifié comme l'exige l'art. 59 al. 3 CP. Le but de la mesure ne doit en effet pas être compromis, ni l'ordre d'exécution des peines et mesures fixé à l'art. 57 al. 2 CP inversé (cf. ATF 148 I 116 consid. 2.3; 142 IV 105 consid. 5.8.1; cf. aussi arrêt 6B_1069/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.2 et 2.4).  
 
4.5. En application de ce qui précède, le Tribunal fédéral a admis la détention en prison de personnes astreintes à une mesure thérapeutique au sens de l'art. 59 CP pendant une période de dix ou treize mois (ATF 148 I 116 consid. 2.5; aussi arrêts 6B_850/2020 du 8 octobre 2020 consid. 2.5.4), voire pendant deux ans au regard des circonstances (cf. arrêts 6B_1001/2015 et 6B_1147/2015 du 29 décembre 2015 consid. 3.2 et 9.2). Il a ainsi reconnu qu'une détention d'une durée totale de 23 mois dans divers établissements non spécialisés était encore conforme au droit fédéral et aux exigences de la CEDH (cf. arrêt 2C_544/2021 du 11 mai 2022 consid. 6). Dans cette affaire, la durée de cette détention devait être relativisée dans la mesure où le détenu avait certes passé les quatorze premiers mois de sa mesure dans une prison régionale, mais qu'il avait ensuite pu poursuivre sa thérapie durant les neuf mois suivants dans un établissement pénitentiaire ordinaire, avant d'être transféré dans une structure adaptée. Dans ces circonstances et compte tenu des efforts des autorités d'exécution pour mettre à disposition une place de thérapie, ainsi que du comportement peu coopérant du recourant qui avait conduit à l'interruption de l'exécution de la mesure débutée dans un précédent établissement pénitentiaire, le délai d'attente du recourant était encore admissible ( ibidem).  
 
4.6. L'examen d'admissibilité de la détention dépend cependant à chaque fois des circonstances. La I e Cour de droit public a ainsi considéré comme illégal un placement en prison pendant près de neuf mois, étant précisé que, durant cette période, l'autorité d'exécution n'avait envisagé un transfert que dans une seule institution et que la personne concernée s'était montrée constamment disposée à suivre sa mesure thérapeutique institutionnelle, dont elle avait du reste demandé et obtenu l'exécution anticipée au sens de l'art. 236 CPP (ATF 148 I 116 consid. 2.6). Dans un arrêt récent, la Cour de céans a pour sa part estimé qu'une période de détention d'environ 17 mois, dans l'attente d'un transfert dans un établissement adapté à l'exécution d'une mesure thérapeutique du recourant, violait aussi l'art. 5 par. 1 let. e CEDH. Elle a en l'occurrence tenu compte du fait qu'il était acquis que l'évolution de la maladie du recourant impliquait d'éviter un placement en prison et que, dans le cas d'espèce, il pouvait être reproché à l'autorité d'exécution de la mesure de s'être adressée à trois institutions fermées seulement, alors qu'il était notoire que les délais d'attente étaient longs pour des places en clinique adaptées à la pathologie de l'intéressé (cf. arrêt 2C_523/2021 du 25 avril 2023 consid. 8).  
 
5.  
Reste à présent à vérifier si l'autorité précédente a respecté les principes qui précèdent en considérant, dans son arrêt, que le maintien en détention du recourant à Champ-Dollon jusqu'au 27 juillet 2020, avant son transfert à Curabilis, était conforme aux exigences posées par l'art. 5 CEDH et ne donnait ainsi droit à aucune réparation au sens de cette disposition. Le recourant le conteste, en se plaignant du caractère inapproprié de Champ-Dollon pour l'exécution de la mesure thérapeutique à laquelle il avait été condamné, ainsi que du délai d'attente excessif avant son transfert vers l'établissement fermé Curabilis. 
 
 
5.1. Il ressort en l'occurrence de l'arrêt attaqué que le Tribunal correctionnel a reconnu le recourant coupable de tentative de meurtre et d'infractions aux art. 19 al. 1 et 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants par jugement du 17 septembre 2018. Il l'a alors condamné non seulement à réintégrer la mesure thérapeutique institutionnelle déjà prononcée en 2010, mais également à subir une peine privative de liberté de trois ans et demi, de même qu'à payer une amende de 100 fr. Le recourant, qui se trouvait alors déjà en détention provisoire à Champ-Dollon depuis 582 jours, a fait appel de ce jugement auprès la Cour de justice, laquelle a néanmoins confirmé les peines et mesure prononcées et ordonné le maintien de l'intéressé en détention pour des motifs de sûreté. Ce dernier a alors déposé un ultime recours au Tribunal fédéral en concluant à ce qu'il soit condamné à une mesure thérapeutique institutionnelle relative au traitement des addictions conformément à l'art. 60 CP, en lieu en place d'une mesure thérapeutique institutionnelle pour maladie mentale au sens de l'art. 59 CP. Après que le Tribunal fédéral avait rejeté cet ultime recours par arrêt du 4 juillet 2019 (cf. arrêt 6B_578/2019), le Service d'application des mesures a immédiatement demandé aux différents services de l'Etat de lui communiquer leurs avis sur les modalités d'exécution de la mesure thérapeutique du recourant, ce que ceux-ci ont fait avant la fin septembre 2019, avant d'inviter le Ministère public genevois et l'intéressé à déposer leurs éventuelles observations sur cette question, ce que ce dernier a fait le 27 novembre 2019. Quelque trois mois et demi plus tard, le Service d'application des mesures a finalement ordonné le placement du recourant en milieu fermé et précisé les modalités d'exécution de cette mesure par décision du 11 mars 2020. Une fois le délai de recours passé, il a entrepris dans la foulée des démarches auprès de l'établissement pénitentiaire fermé Curabilis en vue d'y faire transférer le recourant et formulé une requête en ce sens. Cette demande, qui a été présentée le 23 mars 2020, a été acceptée le 1er avril 2020 par l'établissement précité, de sorte que l'intéressé y a été placé en liste d'attente, avant d'y être finalement transféré le 27 juillet 2020.  
 
5.2. La Cour de justice a par ailleurs constaté qu'avant d'être transféré à Curabilis, le recourant avait déjà bénéficié d'un suivi psychothérapeutique et médicamenteux régulier à Champ-Dollon, consistant en un traitement antidépresseur, neuroleptique et de substitution aux opiacés. A cela s'ajoute qu'il s'était entretenu une fois par semaine avec une psychologue, puis avec un médecin interne en psychiatrie durant cette période et avait été régulièrement suivi par un somaticien pour la gestion de son sevrage aux stupéfiants et à l'alcool, tout en bénéficiant de plusieurs entretiens ponctuels avec un psychiatre. L'autorité précédente a relevé que les services spécialisés de l'Etat avaient constaté que le recourant avait progressé sur plusieurs aspects grâce au suivi rapproché dont il avait bénéficié à Champ-Dollon et que l'environnement carcéral lui avait permis de se stabiliser, de sorte que sa situation s'était "plutôt améliorée" depuis 2017. Il n'en demeurait pas moins que, du point de vue unanime des services spécialisés de l'Etat, l'exécution de la mesure thérapeutique au sein de la prison de Champ-Dollon avait atteint les limites de ce qui pouvait être entrepris dans cet établissement, dès lors que la prison de Champ-Dollon n'était pas un établissement approprié à la prise en charge du recourant, qui devait pouvoir intégrer un environnement mieux adapté à sa problématique psychique, au risque de subir un virage dépressif.  
 
5.3. Sur le vu de ce qui précède, il convient en premier lieu de relever que, jusqu'au prononcé de l'arrêt 6B_578/2019 du Tribunal fédéral daté du 4 juillet 2019, le recourant n'était pas détenu à Champ-Dollon en vue d'exécuter la mesure thérapeutique à laquelle il avait été astreint par jugement sur appel de la Cour de justice du 6 mars 2019. En effet, le recours en matière de droit pénal que l'intéressé avait déposé à Mon Repos pour contester ladite mesure revêtait un effet suspensif (cf. art. 103 al. 2 let. b LTF). Après le dépôt dudit recours, la détention du recourant poursuivait ainsi toujours - tant d'un point de vue matériel que formel - des motifs de sûreté, comme l'avait ordonnée la Cour de justice dans son jugement sur appel conformément l'art. 231 CPP (cf. à cet égard ATF 139 IV 277 consid. 2.2), et ce jusqu'à la date de l'entrée en force de l'arrêt fédéral, soit jusqu'au 4 juillet 2019 (cf. art. 220 al. 2 et 437 al. 3 CPP, en lien avec l'art. 61 LTF; aussi, notamment, arrêt 1B_58/2014 du 15 avril 2014 consid. 3.1). Le recourant, qui, selon les faits contenus dans l'arrêt attaqué, n'a jamais demandé l'exécution anticipée de sa mesure thérapeutique institutionnelle (cf. art. 236 CPP), ne peut dès lors se plaindre d'avoir séjourné dans un établissement inadapté à l'exécution de celle-ci avant le 4 juillet 2019, puisque cette mesure n'était précisément pas encore exécutoire, ni reprocher aux autorités cantonales de n'avoir rien entrepris en vue d'un transfert dans un établissement plus approprié à sa situation avant cette date. Il s'ensuit qu'il ne peut assurément pas prétendre non plus avoir subi des "conditions irrégulières" de détention au sens de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH durant une période de dix-sept mois, ainsi qu'il le fait dans ses écritures, ce contrairement au recourant dans l'arrêt 2C_523/2021 mentionné plus haut, dans lequel la Cour de céans avait retenu une violation de cette disposition au regard des circonstances (cf. supra consid. 4.6). La période de détention à Champ-Dollon potentiellement problématique dans le cas d'espèce commence le jour où la mesure thérapeutique du recourant est devenue exécutoire, soit le 4 juillet 2019, et se termine environ une année plus tard le jour où l'intéressé a été transféré à Curabilis, soit le 27 juillet 2020.  
 
5.4. En l'occurrence, il ressort des faits constatés dans l'arrêt attaqué, lesquels lient la Cour de céans (cf. art. 105 al. 1 LTF), que, durant cette dernière année de détention à Champ-Dollon, le recourant ne bénéficiait pas d'un traitement idéal. Il n'en reste pas moins qu'il avait pu bénéficier de soins réguliers prodigués par des spécialistes (psychologue, psychiatre, somaticien, etc.), étant précisé que ces derniers lui ont permis de progresser dans son traitement. A cela s'ajoute que l'éventuel caractère irrégulier de sa détention au sens de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH doit s'apprécier en tenant compte de l'ensemble des circonstances et, notamment, des efforts déployés par les autorités compétentes pour améliorer les carences de traitement. Or, en l'espèce, rien ne permet de dire que les autorités auraient tardé à agir pour obtenir un transfert du recourant dans un établissement approprié. Bien au contraire, il ressort de l'arrêt attaqué qu'une fois le prononcé de la mesure thérapeutique institutionnelle du recourant confirmé par le Tribunal fédéral, le Service d'application des mesures a immédiatement sollicité les autres services de l'Etat afin d'obtenir leur avis sur les modalités d'exécution de celle-ci. De même a-t-il entrepris immédiatement des démarches en vue d'obtenir une place pour le recourant à Curabilis, juste après avoir pris la décision de faire exécuter sa mesure en milieu fermé. On ne voit à cet égard pas qu'il puisse lui être reproché d'avoir pris trois mois pour rendre une telle décision, d'autant plus que le recourant s'était toujours opposé au prononcé d'une mesure thérapeutique institutionnelle pour troubles mentaux à son égard, ce qui justifiait un examen minutieux du dossier. Quant au délai de quatre mois dont ledit service a eu finalement besoin pour obtenir un transfert effectif à Curabilis, ils n'apparaissent pas non plus excessifs au regard de la situation notoire de pandémie valant à cette époque et du suivi médical dont continuait de bénéficier le recourant à Champ-Dollon. On ne peut enfin pas blâmer le Service d'application des mesures de n'avoir pris contact qu'avec l'établissement de Curabilis. Il pouvait légitimement s'attendre à ce que le recourant obtienne rapidement une place dans cet établissement, qui est l'un des plus grands de Suisse de ce type et qui a immédiatement mis l'intéressé sur liste d'attente et rapidement accepté son dossier. Notons qu'il correspondait de surcroît au souhait du recourant de pouvoir rester à Genève (cf. art. 105 al. 2 LTF).  
 
5.5. Sur le vu de ce qui précède, il faut admettre que la période de détention de moins de treize mois que le recourant a passée à la prison de Champ-Dollon au titre d'exécution de sa mesure thérapeutique institutionnelle entre le 4 juillet 2019 et le 27 juillet 2020 ne peut être qualifiée d'irrégulière au sens de l'art. 5 par. 1 CEDH. En effet, pendant cette période d'une année environ, les autorités ont fait preuve de diligence en déployant un certain nombre d'efforts pour exécuter efficacement et rapidement la mesure institutionnelle ordonnée par le juge à l'encontre du recourant, qui était alors certes détenu dans un lieu inapproprié à l'exécution de sa mesure, mais pas totalement inadapté à sa condition. La présente situation est comparable à d'autres cas dans lesquels la CourEDH et le Tribunal fédéral ont déjà considéré que la détention en prison d'une personne astreinte à une mesure thérapeutique institutionnelle durant près d'une année était régulière au sens de l'art. 5 par. 1 CEDH (cf. supra consid. 4.3 et 4.5). Il ne peut dès lors être reproché à la Cour de justice d'avoir considéré que la détention du recourant s'était également déroulée de manière "régulière" au sens de la disposition précitée et qu'elle ne saurait dès lors engager la responsabilité de la République et canton de Genève au sens de l'art. 5 par. 5 CEDH.  
 
5.6. Le recours est dès lors mal fondé et doit être rejeté.  
 
6.  
S'agissant des frais et dépens, le recourant a déposé une demande d'assistance judiciaire. Cette demande peut être admise au vu de son indigence manifeste et de la question juridique soulevée. Me Kevin Saddier sera donc désigné comme défenseur d'office, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 et 2 LTF) ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise. 
 
2.1. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.  
 
2.2. Me Kevin Saddier est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 2'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.  
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile. 
 
 
Lausanne, le 9 mai 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Aubry Girardin 
 
Le Greffier : Jeannerat