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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_582/2023  
 
 
Arrêt du 12 septembre 2023  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et van de Graaf. 
Greffière : Mme Brun. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représenté par Me Baptiste Favez, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. B.A.________ et C.A.________, 
représentés par Me Valérie Malagoli-Pache, curatrice et avocate, 
intimés. 
 
Objet 
Violation du devoir d'assistance ou d'éducation, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 10 mars 2023 
(P/11732/2015 AARP/87/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 23 décembre 2021, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu A.A.________ coupable de violation du devoir d'assistance ou d'éducation et l'a acquitté de l'infraction de dénonciation calomnieuse. Il a en outre prononcé une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 60 fr. le jour assortie d'un sursis de quatre ans et ordonné des règles de conduite sous la forme d'un suivi psychothérapeutique pendant la durée du délai d'épreuve. 
 
B.  
Par arrêt du 10 mars 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par A.A.________ et confirmé le jugement du 23 décembre 2021. 
En substance, la cour cantonale a retenu ce qui suit: 
A.A.________ et D.________ se sont mariés en 2007 à U.________, en Syrie, avant de venir s'installer en Suisse. Deux enfants sont issus de cette union, une fille née en 2009 et un fils né en 2012. A.A.________ et D.________ se sont séparés le 6 février 2012. 
A la suite de leur séparation et jusqu'au 27 août 2020, à V.________, voire dans le canton de Vaud, A.A.________ a exposé ses enfants mineurs au conflit relatif au droit de garde qui l'oppose à son épouse, en refusant de prendre les dispositions que les intervenants sociaux et éducatifs proposaient afin de les préserver et en les impliquant directement dans le conflit, les amenant, à maintes reprises, à devoir être entendus par les différents intervenants sociaux et judiciaires, ce qui a eu pour conséquence de mettre concrètement en danger leur développement psychique. 
Entre le mois d'avril 2015 et le mois de juin 2016, A.A.________ a exposé ses enfants mineurs à ses violentes disputes, physiques et/ou verbales avec D.________ et/ou E.________, notamment les 11 avril et 4 septembre 2015, et mêlé sa fille à ces conflits, en lui demandant de témoigner à l'encontre de sa mère, mettant ainsi concrètement en péril le bon développement psychique des enfants. 
 
C.  
A.A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt du 10 mars 2023. Il conclut à son acquittement et au versement, de la part de l'État de Genève, d'une indemnité de 17'600 fr. à titre de réparation du tort moral. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision au sens des considérants. 
La requête d'assistance judiciaire déposée par A.A.________ à l'appui de son recours est rejetée par ordonnance incidente du Tribunal fédéral du 14 juin 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant soutient que l'infraction prévue à l'art. 219 CP (violation du devoir d'assistance ou d'éducation) n'est pas réalisée. En particulier, il conteste que ses comportements, qui selon lui auraient dû être examinés séparément par la cour cantonale, aient porté atteinte au développement physique ou psychique de ses enfants. 
 
1.1. Selon l'art. 219 CP, celui qui aura violé son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1); si le délinquant a agi par négligence, la peine pourra être une amende au lieu d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire (al. 2).  
 
1.2. Pour que l'art. 219 CP soit applicable, il faut d'abord que l'auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d'assistance, c'est-à-dire de protection, ou un devoir d'éducation, c'est-à-dire d'assurer le développement - sur le plan corporel, spirituel et psychique - du mineur. Cette obligation et, partant, la position de garant de l'auteur, peuvent être fondées sur la loi, sur une décision de l'autorité ou sur un contrat, voire sur une situation de fait; ainsi, sont notamment des garants les parents naturels ou adoptifs, le tuteur, le maître d'école, le responsable d'une institution, le directeur d'un home ou d'un internat, etc. (ATF 125 IV 64 consid. 1a p. 68 s.; arrêt 6B_782/2022 du 17 avril 2023 consid. 2.2, destiné à la publication).  
L'auteur doit avoir violé son devoir d'assistance ou d'éducation ou manqué à ce devoir. Le comportement délictueux peut donc consister en une action ou en une omission. Dans le premier cas, l'auteur viole positivement son devoir, par exemple en maltraitant le mineur ou en l'exploitant par un travail excessif ou épuisant. Dans le second cas, il manque passivement à son obligation, par exemple en abandonnant l'enfant, en négligeant de lui donner des soins ou en ne prenant pas, face à un danger, les mesures de sécurité qui s'imposent (ATF 125 IV 64 consid. 1a p. 69). Il faut encore, sur le plan objectif, que la violation du devoir d'assistance ou d'éducation ou le manquement à ce devoir ait eu pour effet de mettre en danger le développement physique ou psychique du mineur. Définissant un délit de mise en danger concrète, l'art. 219 CP n'exige pas une atteinte à l'intégrité corporelle ou psychique du mineur. Une mise en danger suffit; celle-ci doit toutefois être concrète, c'est-à-dire qu'elle doit apparaître vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 consid. 1b p. 138 s.; 125 IV 64 consid. 1a p. 69). Des séquelles durables, d'ordre physique ou psychique, doivent apparaître vraisemblables, de telle sorte que le développement du mineur est mis en danger (BERNARD CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3 e éd., n° 17 in fine ad art. 219 CP). Il faut normalement que l'auteur agisse de façon répétée ou qu'il viole durablement son devoir d'éducation (ATF 125 IV 64 consid. 1d p. 71; LAURENT MOREILLON, Quelques réflexions sur la violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 nouveau CP), RPS 1998, p. 431 ss, spéc. 437; STRATENWERTH/BOMMER, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II: Straftaten gegen Gemeininteressen, 7 e éd. 2013, p. 36 s., § 26 n° 43; DONATSCH/THOMMEN/WOHLERS, Strafrecht IV, Delikte gegen die Allgemeinheit, 5 e éd., 2017, p. 23). Il n'est cependant pas exclu qu'un seul acte grave suffise pour que des séquelles durables risquent d'affecter le développement du mineur (CORBOZ, op. cit., n° 17 in fine ad art. 219 CP). L'infraction peut être commise intentionnellement ou par négligence. Le dol éventuel suffit pour que l'infraction soit réalisée intentionnellement (ATF 125 IV 64 consid. 1a p. 70; arrêt 6B_782/2022 du 17 avril 2023 consid. 2.2, destiné à la publication).  
 
1.3. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir considéré qu'il existait une unité juridique d'actions entre ses agissements.  
L'unité juridique d'actions existe lorsque le comportement défini par la norme présuppose, par définition, de fait ou typiquement, la commission d'actes séparés, tel le brigandage (art. 140 CP), mais aussi lorsque la norme définit un comportement durable se composant de plusieurs actes, par exemple les délits de gestion fautive (art. 165 CP) ou de services de renseignements politiques ou économiques (art. 272 et 273 CP; ATF 132 IV 49 consid. 3.1.1.3; 131 IV 83 consid. 2.4.5). La commission d'actes séparés ou le comportement durable doivent, expressément ou implicitement, ressortir de la définition légale de l'infraction, celle-ci devant être exercée en des moments différents. Il n'en va pas ainsi des actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP), de la contrainte sexuelle (art. 189 CP) ou du viol (art. 190 CP), qui sont des infractions déjà consommées par la commission d'un seul acte d'ordre sexuel (arrêt 6B_782/2022 du 17 avril 2023 consid. 3.1, destiné à la publication). 
Quant à l'unité naturelle d'actions, elle existe lorsque des actes séparés procèdent d'une décision unique et apparaissent objectivement comme des événements formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l'espace. Elle vise ainsi la commission répétée d'infractions - par exemple une volée de coups - ou la commission d'une infraction par étapes successives - par exemple le sprayage d'un mur avec des graffitis pendant plusieurs nuits successives -, une unité naturelle étant cependant exclue si un laps de temps assez long s'est écoulé entre les différents actes, quand bien même ceux-ci seraient liés entre eux (ATF 132 IV 49 consid. 3.1.1.3; 131 IV 83 consid. 2.4.5; arrêt 6B_782/2022 du 17 avril 2023 consid. 3.1, destiné à la publication). 
Comme mentionné ci-dessus, l'infraction de l'art. 219 CP présuppose que l'auteur agisse de façon répétée ou qu'il viole durablement son devoir d'éducation de manière à mettre en danger le développement physique ou psychique de la personne mineure (cf. consid. 1.2). Si l'auteur donne une gifle à un mineur, seule l'infraction de voies de fait ou de lésions corporelles simples sera réalisée. L'art. 219 CP ne sera retenu que si l'auteur agit à réitérées reprises et que l'ensemble de ses agissements mettent en danger le développement de l'enfant. C'est la somme des différents actes qui permet de réaliser les éléments constitutifs de l'infraction, à savoir la mise en danger du développement physique ou psychique du mineur. La commission d'actes séparés ou le comportement durable ressort ainsi implicitement de la définition légale de l'infraction, de sorte qu'il faut admettre une unité juridique d'actions (cf. arrêt 6B_782/2022 du 17 avril 2023 consid. 3.1, destiné à la publication; BARBARA LOPPACHER, Erziehung und Strafrecht, Unter besonderer Berücksichtigung der Verletzung der Fürsorge- oder Erziehungspflicht (art. 219 StGB), 2011, p. 187 s.). C'est donc en vain que le recourant prétend qu'il n'existerait pas d'unité juridique d'actions entre ses agissements. 
 
1.4. Le recourant estime qu'il n'existe pas de lien de causalité entre son comportement et la mise en danger de ses enfants.  
Selon l'état de fait cantonal, depuis la séparation en 2012, le conflit conjugal est aigu. A partir de novembre 2012, le recourant a commencé à soupçonner son épouse de sévices sur leur fille et a, depuis lors, tout mis en oeuvre pour prouver sa culpabilité, bien que toute forme de maltraitance maternelle ait été écartée d'emblée par les autorités judiciaires, les services sociaux et le corps médical. Le recourant a tenté d'établir sa "vérité", de manière irrationnelle, cherchant à obtenir des preuves avant tout par le truchement des déclarations de ses enfants. Par ce comportement, il les a exposés à de violentes disputes, alors qu'il aurait dû les préserver, et les a impliqués dans le conflit parental en cherchant notamment à les faire témoigner au sens large de manière durable et répétée. Malgré les nombreuses mises en garde des experts et des différents intervenants quant aux conséquences néfastes de son attitude, le recourant a persisté à mêler ses jeunes enfants au conflit en les filmant notamment. 
L'expertise familiale a relevé que l'attitude du recourant a eu des conséquences considérables sur ses enfants qui ont été pris dans un grave conflit de loyauté et ont souffert d'un risque d'aliénation parentale. Ces conséquences se sont d'ailleurs concrétisées par un trouble diagnostiqué chez sa fille. Enfin, les experts ont jugé que les troubles et/ou mise en danger du développement des enfants, sont principalement à mettre en lien avec les comportements obtus, voire obsessionnels, du prévenu (arrêt attaqué, pp. 36-37). C'est donc également en vain que le recourant se plaint d'une violation du lien de causalité entre ses agissements et la mise en danger de ses enfants. 
Par ailleurs, la cour cantonale a jugé, qu'au regard des nombreux intervenants dans le conflit et de leurs multiples avertissements - que le recourant a d'ailleurs admis avoir assimilés - il savait ou aurait dû savoir que son comportement violait son devoir d'assistance et d'éducation et mettait en danger le développement psychique de ses enfants. 
 
En conséquence, la cour cantonale a considéré, à juste titre, que les éléments objectifs et subjectifs, définis à l'art. 219 CP, étaient réalisés. Les griefs soulevés sont infondés. 
 
2.  
Le recourant fait grief à la cour cantonale, à titre subsidiaire, de ne pas avoir fait application de l'art. 17 CP
 
2.1. L'art. 17 CP suppose que l'auteur ait commis un acte punissable pour préserver un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers d'un danger imminent et impossible à détourner autrement. Le danger est imminent lorsqu'il n'est ni passé ni futur, mais actuel et concret. L'impossibilité que le danger puisse être détourné autrement implique une subsidiarité absolue (ATF 147 IV 297 consid. 2; 146 IV 297 consid. 2.2.1 p. 303).  
 
2.2. En l'espèce, aucune forme de maltraitance maternelle n'ayant jamais été constatée par les autorités judiciaires, les services sociaux et le corps médical, les enfants du recourant n'étaient pas en situation de devoir être protégés d'un danger imminent. C'est donc à tort que le recourant se prévaut de cette disposition. Son grief est infondé.  
 
2.3. Le recourant évoque aussi un état de nécessité putatif.  
Lorsque l'auteur, en raison d'une représentation erronée des faits, se croit en situation de danger, alors qu'objectivement le danger n'existe pas, il agit en état de nécessité putatif. L'art. 13 CP est applicable (ATF 147 IV 297 consid. 2.6.1). Aux termes de l'art. 13 al. 1 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable. 
Le recourant se fonde essentiellement sur des faits non établis. Son grief est dès lors irrecevable. Il apparaît par ailleurs que les reproches de maltraitance à l'encontre de la mère ont d'emblée été écartés par les autorités. Le recourant a néanmoins persisté malgré les mises en garde sur les effets néfastes de ce comportement (arrêt attaqué, p. 33). Il a impliqué de manière pleinement consciente ses enfants dans le conflit et connaissait les conséquences d'un tel comportement (arrêt attaqué, p. 38). Ce contexte exclut tout état de nécessité putatif. 
 
 
3.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 12 septembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Brun