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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_304/2021  
 
4A_312/2021  
 
 
Arrêt du 10 mars 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
4A_304/2021 
A.________, 
représenté par Me Georges Schaller, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
B.________ SA, 
représentée par Me Benoît Fracheboud, avocat, 
intimée, 
4A_312/2021 
B.________ SA, 
représentée par Me Benoît Fracheboud, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
A.________, 
représenté par Me Georges Schaller, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
contrat de travail; heures supplémentaires; travail supplémentaire; abus de droit, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 23 avril 2021 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (CACIV.2021.8+9). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ (ci-après: l'employé) a été engagé comme "conducteur de travaux stagiaire" à compter du 1 er janvier 2010 par C.________ SA, qui deviendra B.________ SA (ci-après: l'employeuse). Ses tâches consistaient notamment dans la planification des travaux, l'élaboration de tableaux comparatifs des offres des fournisseurs et le contrôle des phases de travaux. A partir du 1 er avril 2015, le titre donné à l'employé était "responsable opération secteur bâtiment", sans que les tâches à effectuer par le conducteur de travaux n'aient été modifiées.  
Au début des relations de travail, le salaire mensuel brut de l'employé s'élevait à 8'000 fr., versé 13 fois l'an. Il augmentera à 8'100 fr. dès janvier 2011, à 8'600 fr. dès août 2011, à 8'900 fr. dès mars 2012, à 10'000 fr. dès mars 2013, à 11'000 fr. dès mars 2014 et à 12'500 fr. dès mars 2015. Par ailleurs, l'employé percevra chaque année une gratification, soit 5'000 fr. pour 2010, 15'000 fr. pour 2011, 20'000 fr. pour 2012 et 25'000 fr. pour 2013 ainsi que pour 2014. 
L'horaire de travail contractuel était de 45 heures par semaine. Entre octobre 2011 et septembre 2015, l'employé a effectué chaque mois des heures de travail supplémentaires, soit 1'586,5 heures au total. 
Le 19 octobre 2015, l'employé s'est vu signifier son licenciement; il a été libéré immédiatement de son obligation de travailler. Les rapports de travail ont pris fin le 31 janvier 2016. 
 
B.  
Le 15 décembre 2016, A.________ a déposé devant le Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers une demande tendant notamment à ce que B.________ SA soit condamnée à lui verser le montant brut de 166'404 fr. avec intérêts, soit 141'404 fr. pour les heures de travail supplémentaires effectuées de 2011 à 2015 et 25'000 fr. à titre de gratification pour 2015. 
Par jugement du 30 décembre 2020, le Tribunal civil a condamné l'employeuse à verser à l'employé un montant brut de 59'237 fr.80, soit 40'487 fr.80 à titre de rémunération du travail supplémentaire, plus intérêts à 5% l'an dès le 1 er septembre 2013, et 18'750 fr. à titre de gratification pour 2015, plus intérêts à 5% l'an dès le 1 er février 2016.  
Les deux parties ont interjeté appel de ce jugement. Par arrêt du 23 avril 2021, la Cour d'appel civile du canton de Neuchâtel a rejeté l'appel de l'employeuse et admis partiellement l'appel de l'employé. Annulant partiellement le jugement de première instance, elle a condamné l'employeuse à payer à l'employé le montant brut de 92'340 fr. à titre de rémunération du travail supplémentaire, le montant dû à titre de gratification et les points de départ des intérêts demeurant inchangés. 
 
C.  
 
C.a. A.________ interjette un recours en matière civile (cause 4A_304/2021). Il conclut à la réforme partielle de l'arrêt cantonal en ce sens que l'employeuse est condamnée à lui payer le montant brut de 113'142 fr. à titre de rémunération des heures de travail supplémentaires.  
 
C.b. B.________ SA forme également un recours en matière civile (cause 4A_312/2021). Elle demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal en ce sens qu'elle est condamnée à payer à l'employé la somme de 18'750 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er février 2016, toute autre ou plus ample prétention étant rejetée.  
 
C.c. Chaque recourant propose le rejet du recours de son adverse partie.  
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours sont dirigés contre la même décision, reposent sur le même complexe de faits et opposent les mêmes parties. Par économie de procédure, il se justifie de joindre les deux causes et de statuer dans un seul arrêt. 
 
2.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. exigée pour les litiges de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours respecté dans les deux causes (art. 45 al. 1 et art. 100 al. 1 LTF). 
 
3.  
 
3.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente (ATF 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 141 III 86 consid. 2; 140 III 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 139 I 229 consid. 2.2).  
 
3.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception au sens de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). 
 
4.  
A ce stade, le litige porte uniquement sur le paiement des heures de travail supplémentaires; le principe et le montant de la gratification pour 2015 ne sont plus contestés. 
 
4.1. Selon l'arrêt attaqué, l'employé ne peut pas prétendre à la rémunération des heures supplémentaires au sens de l'art. 321c al. 3 CO, malgré l'absence d'un accord dérogatoire passé par écrit. Pour la cour cantonale, le recourant commet un abus de droit en exerçant cette prétention alors qu'il ne pouvait ignorer la pratique de l'entreprise envers les conducteurs de travaux, consistant à ne pas compenser ni rémunérer les heures supplémentaires, et qu'il a accepté son salaire chaque mois durant cinq ans - y compris et surtout les augmentations successives et importantes - et des gratifications elles aussi croissantes, sans jamais réclamer le paiement ou la compensation des heures supplémentaires effectuées. En d'autres termes, l'employé a volontairement tardé à faire valoir la nullité de l'accord non écrit pour en retirer un avantage, soit la perception de généreuses prestations de la part de l'employeuse, qui ne les aurait certainement pas accordées dans la même mesure s'il avait rapidement et périodiquement réclamé le paiement de ses heures supplémentaires.  
En revanche, la cour cantonale a jugé que l'employé avait droit à l'indemnité pour travail supplémentaire prévue par l'art. 13 al. 1 LTr (RS 822.11) à partir de la 61ème heure supplémentaire accomplie dans l'année. En effet, s'il est possible, en droit privé, que le travailleur renonce à l'avance au paiement des heures supplémentaires, tel n'est pas le cas en droit public, la règle impérative de l'art. 13 LTr empêchant toute dérogation au principe de la rétribution du travail supplémentaire au taux de 125 %. Faute d'avoir instauré de manière claire et précise un système de rémunération ou de compensation du travail supplémentaire effectué, l'employeuse ne peut pas invoquer un abus de droit de la part de l'employé qui prétend à la rétribution des heures accomplies à ce titre. 
 
4.2. Il n'est plus contesté que le temps de travail de l'employé était soumis à la durée maximale prévue par l'art. 9 al. 1 let. a LTr, à savoir 45 heures par semaine. Cet horaire est également celui convenu entre les parties. Les parties ne remettent pas en cause non plus les heures de travail effectuées entre octobre 2011 et septembre 2015 au-delà de la durée hebdomadaire de 45 heures, telles que retenues par la cour cantonale.  
C'est le lieu de rappeler que la rétribution des heures supplémentaires, soit celles dépassant l'horaire contractuel, est réglée par l'art. 321c CO et que, dès que les heures supplémentaires dépassent le maximum légal fixé dans la LTr, elles constituent du travail supplémentaire au sens de l'art. 12 LTr et doivent impérativement faire l'objet d'une rémunération comprenant le salaire de base majoré de 25 % selon l'art. 13 LTr, à partir de la 61ème heure supplémentaire accomplie dans l'année civile pour la catégorie de travailleurs à laquelle le recourant appartient (ATF 126 III 337 consid. 6c). 
 
4.3. Dans son recours, l'employé se plaint d'une violation de l'art. 2 CC ainsi que des art. 1 et 321c al. 3 CO. La cour cantonale n'aurait pas disposé des éléments lui permettant de retenir un accord tacite des parties par lequel l'employé aurait renoncé à la rémunération des heures supplémentaires. Au demeurant, même en cas d'accord par actes concluants, le recourant ne commettrait aucun abus de droit en invoquant la nullité de cette convention et en réclamant le paiement des heures supplémentaires cinq ans au plus après leur accomplissement.  
Pour sa part, l'employeuse reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 2 al. 2 CC en opérant une distinction entre heures supplémentaires et travail supplémentaire, non pertinente pour juger d'un éventuel abus de droit de la part de l'employé. Si les prétentions en rétribution des heures supplémentaires au sens du CO sont abusives pour des motifs donnés, ceux-ci justifieraient de même le rejet de toute indemnité pour travail supplémentaire au sens de la LTr. 
 
5.  
Si, comme l'employé le soutient, ses prétentions en paiement des heures supplémentaires ne sont pas abusives, la question de la rétribution du travail supplémentaire ne se posera plus. Les griefs du recourant seront dès lors examinés en priorité. 
 
5.1. Selon l'art. 321c al. 3 CO, l'employeur est tenu de rétribuer les heures de travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé en versant le salaire normal majoré d'un quart au moins, sauf clause contraire d'un accord écrit, d'un contrat-type de travail ou d'une convention collective.  
Cette disposition est en partie impérative en ce sens que les parties ne peuvent y déroger qu'en respectant la forme écrite (ATF 124 III 469 consid. 2a). Plus précisément, elles peuvent, sous l'une des formes prescrites par l'art. 321c al. 3 CO, prévoir, au début ou au cours des rapports de travail, que les heures supplémentaires seront rémunérées sans supplément ou ne seront pas rémunérées, à tout le moins lorsque la rémunération des heures supplémentaires est comprise forfaitairement dans le salaire de l'intéressé; un tel accord ne peut porter que sur les heures supplémentaires qui seraient accomplies à l'avenir, car la mise en oeuvre combinée de l'art. 321c al. 3 et de l'art. 341 al. 1 CO empêche le travailleur de renoncer valablement au salaire pour les heures supplémentaires déjà effectuées (ATF 124 III 469 consid. 3a; 126 III 337 consid. 7b). Comme l'accord dérogatoire concerne la rétribution forfaitaire d'heures supplémentaires futures, il peut être mis en échec en application de la théorie de l'imprévision, si le travailleur est amené en définitive à accomplir des heures supplémentaires en nombre excédant notablement ce qui était prévisible lors de la conclusion dudit accord (arrêt 4A_485/2019 du 4 février 2020 consid. 6.2.2.2). 
De manière générale, le travailleur qui conteste la validité d'un accord en invoquant une règle impérative ne commet pas un abus de droit. En effet, il serait contraire à l'esprit de la loi de priver le travailleur, par le biais de l'art. 2 al. 2 CC, de la protection spéciale qui lui est conférée par le droit impératif (ATF 129 III 493 consid. 5.1, 618 consid. 5.2; 126 III 337 consid. 7b; 110 II 168 consid. 3c). 
Des circonstances particulières peuvent toutefois faire apparaître comme abusif l'exercice d'un droit à caractère impératif, comme le droit à la rétribution des heures supplémentaires au taux de 125 % en l'absence d'un accord écrit préalable. Ainsi, une dénonciation abusive du vice de forme a été retenue de la part d'un travailleur qui, afin de toucher un revenu additionnel, avait expressément refusé le renfort proposé par l'employeur, puis avait clairement conclu avec celui-ci un accord verbal par lequel il renonçait au supplément prévu pour les heures supplémentaires (arrêt bâlois cité in arrêt 4A_172/2012 du 22 août 2012 consid. 6.1). Par ailleurs, l'art. 2 al. 2 CC peut trouver exceptionnellement application lorsque l'intérêt protégé par la norme de droit impératif n'existe plus ou a été préservé d'une autre manière (ATF 129 III 493 consid. 5.1). Un abus de droit peut être également retenu si l'ayant droit tarde à faire valoir la nullité pour en retirer un avantage (ATF 138 III 401 consid. 2.3.2). Plus généralement, le fait d'attendre pour faire valoir la prétention (dans le délai de prescription) ne peut constituer un abus de droit que si des circonstances particulières font apparaître l'exercice du droit comme incompatible avec l'inaction antérieure, par exemple si l'écoulement du temps procure à l'ayant droit un avantage injustifié (131 III 439 consid. 5.1; 129 III 493 consid. 5.1; 110 II 273 consid. 2). 
 
5.2. En l'espèce, il n'existe aucun accord écrit entre les parties prévoyant que la rémunération des heures supplémentaires serait incluse de manière forfaitaire dans la rétribution versée par l'employeur et que l'employé renoncerait ainsi à la rétribution spécifique des éventuelles heures supplémentaires. Faute de convention dérogatoire formellement valable, l'employé peut donc prétendre en principe à une rémunération au taux de 125 % du salaire horaire de base pour les 1586,5 heures supplémentaires accomplies entre octobre 2011 et septembre 2015.  
Des circonstances particulières rendent-elles cette prétention abusive, comme la cour cantonale l'a admis ? 
Selon l'arrêt attaqué, l'employé a volontairement tardé à se prévaloir de la nullité de l'accord non écrit entaché d'un vice de forme pour en retirer un avantage. Il n'est constaté nulle part dans la décision entreprise que, pendant les rapports de travail, l'employé savait qu'un accord dérogatoire sur le paiement des heures supplémentaires devait revêtir la forme écrite pour être valable. En revanche, la question se pose de savoir si, en réclamant le paiement des heures supplémentaires après la fin du contrat, l'employé commet un abus de droit en raison d'un " accord non écrit " survenu pendant les rapports de travail. 
A ce propos, la cour cantonale n'a pas établi, en fait, une volonté réelle concordante des parties de rémunérer forfaitairement les heures supplémentaires par le biais du salaire et/ou d'une prestation particulière comme la gratification. En effet, elle a relevé expressément qu'il n'existait pas de preuve " stricte " que l'employé n'aurait eu d'augmentations ni de son salaire ni de sa gratification s'il n'avait effectué aucun travail supplémentaire et, partant, aucune heure supplémentaire vu la coïncidence entre l'horaire légal maximal et l'horaire contractuel. 
Contrairement à ce que l'employé soutient dans son recours, ce passage de l'arrêt attaqué n'est pas contradictoire avec l'examen, en droit, des comportements des parties interprétés selon le principe de la confiance. A cet égard, la cour cantonale paraît avoir déduit le consentement de l'employé à la rémunération forfaitaire de ses heures supplémentaires du fait que l'intéressé a accepté son salaire chaque mois et les augmentations importantes accordées, ainsi que des gratifications elles aussi croissantes, sans jamais demander à l'employeuse la compensation ou la rémunération des heures supplémentaires accomplies. 
A elle seule, l'acceptation tacite d'une augmentation de salaire ne peut être interprétée de bonne foi comme la renonciation du travailleur à la rémunération spécifique des heures supplémentaires qu'il serait amené à accomplir à l'avenir. Mais le contexte ainsi que l'ampleur et la fréquence des augmentations peuvent être des éléments à prendre en considération pour interpréter, selon le principe de la confiance, le silence de l'employé. 
En l'espèce, le recourant savait que, dans l'entreprise qui l'employait, les heures supplémentaires effectuées par les conducteurs de travaux n'étaient ni compensées ni rémunérées. 
Le salaire mensuel brut de l'employé a été augmenté pour la première fois après une année, passant de 8'000 fr. à 8'100 fr. à partir du 1er janvier 2011, soit une augmentation de 1,25 %. Sept mois plus tard, le salaire a été porté à 8'600 fr. dès le 1er août 2011, soit une augmentation de 6,2 %, et encore sept mois plus tard, à 8'900 fr. dès le 1er mars 2012, soit une augmentation de 3,5 %. Le salaire mensuel a ensuite été augmenté chaque année: au 1er mars 2013, il a été porté à 10'000 fr., soit une augmentation de 12,4 %, puis au 1er mars 2014, à 11'000 fr., soit une augmentation de 10 %, et enfin au 1er mars 2015 à 12'500 fr., soit une augmentation de 13,6 %. Pour le même poste et sans changement dans les tâches à effectuer, l'employé a ainsi vu son salaire augmenter de plus de 50 % en cinq ans. Parallèlement, la gratification versée a considérablement augmenté dès la deuxième année, passant de 5'000 fr. pour 2010 à 15'000 fr. pour 2011, puis à 20'000 fr. pour 2012, avant de se stabiliser à 25'000 fr. pour 2013 et 2014. 
Les heures supplémentaires dont la rétribution est litigieuse ont été accomplies dès octobre 2011, soit après la première augmentation de salaire conséquente intervenue le 1er août 2011. Selon les constatations de la cour cantonale, l'employé a effectué chaque mois des heures supplémentaires entre octobre 2011 et septembre 2015, soit 75 heures en 2011, 359 heures en 2012, 459 heures en 2013, 370 heures en 2014 et 323,5 heures en 2015; le nombre d'heures supplémentaires accomplies en moyenne chaque mois oscille entre 25 en 2011 et 38 en 2013. 
Dès l'augmentation de salaire du 1er août 2011, le recourant, vu la connaissance qu'il avait de la pratique au sein de l'entreprise et l'absence de modification de ses tâches, pouvait se rendre compte que son salaire, augmenté de 6,2 % seulement sept mois après la première augmentation, était susceptible de comprendre la rémunération forfaitaire d'éventuelles heures supplémentaires. 
Or, l'employé a fourni ensuite régulièrement à l'employeuse le décompte de ses heures de travail, sans chercher à éclaircir la question de la rémunération des heures supplémentaires pourtant importantes qu'il effectuait chaque mois et sans jamais réclamer leur paiement. Le silence peut valoir acte concluant. En acceptant tacitement des augmentations de salaire de 6,2 % et 3,5 % en sept mois, puis à hauteur de plus de 10% chaque année, l'employé laissait entendre qu'il agréait le système en cours dans l'entreprise et renonçait dès lors à la rétribution spécifique des heures supplémentaires. 
En demandant le paiement des heures supplémentaires à la fin des rapports de travail, au motif de l'absence d'un accord formellement valable, l'employé commet un abus de droit dans les circonstances particulières de l'espèce. En effet, son inaction lui a permis de bénéficier d'augmentations de salaire substantielles qui, comme la cour cantonale le relève à juste titre, n'auraient certainement pas été accordées dans une telle ampleur si l'employé avait non seulement adressé à l'employeuse le décompte de ses heures supplémentaires, mais également réclamé leur paiement à intervalles réguliers pendant la durée du contrat. 
A cet égard, il est éloquent de comparer le salaire brut perçu entre octobre 2011 et septembre 2015 avec le salaire brut sur la même période calculé sur la base d'une augmentation annuelle de 1,25 % telle que celle pratiquée la première année, en y incluant la rétribution des heures supplémentaires au taux de 125 %. 
Salaire perçu entre octobre 2011 et septembre 2015 (arrondi)  
2011-2012 5 x 9'320 fr. ([8'600 x 13] : 12) 46'600 fr. 
2012-2013 12 x 9'640 fr. ([8'900 x 13] : 12) 115'680 fr. 
2013-2014 12 x 10'800 fr. ([10'000 x 13] : 12) 129'600 fr. 
2014-2015 12 x 12'000 fr. ([11'000 x 13] : 12) 144'000 fr. 
2015 7 x 13'500 fr. ([12'500 x 13] : 12) 94'500 fr. 
Total 530'380 fr. 
Salaire hypothétique entre octobre 2011 et septembre 2015 avec augmentation annuelle de 1,25% et rémunération des heures supplémentaires (arrondi)  
Salaire annuel  
2011 3 x 8'775 fr. ([8'100 x 13] : 12) 26'325 fr 
2012 12 x 8'884 fr. (8'775 + [1,25% x 8'775]) 106'608 fr. 
2013 12 x 8'995 fr. (8'884 + [1,25% x 8'884]) 107'940 fr. 
2014 12 x 9'107 fr. (8'995 + [1,25% x 8'995]) 109'284 fr. 
2015 9 x 9'221 fr. (9'107 + [1,25% x 9'107]) 82'989 fr. 
Total 433'146 fr. 
Heures supplémentaires  
2011 45 fr. [8'775 : 194.85] x 125 % = 56 fr.25 
75 heures x 56 fr.25 4'219 fr. 
2012 45 fr.60 [8'884 : 194.85] x 125 % = 57 fr. 
359 heures x 57 fr. 20'463 fr. 
2013 46 fr.20 [8'995 : 194.85] x 125 % = 57 fr.75 
459 heures x 57 fr.75 26'507 fr. 
2014 46 fr.80 [9'107 : 194.85] x 125 % = 58 fr.50 
370 heures x 58 fr.50 21'645 fr. 
2015 47 fr.40 [9'221 : 194.85] x 125 % = 59 fr.25 
323,5 heures x 59 fr.25 19'167 fr.  
Total 92'001 fr. 
Total salaire + heures supplémentaires 525'147 fr. 
Au terme de cette comparaison, il apparaît que le montant perçu à titre de salaire par le recourant sur la période déterminante est supérieur à celui qu'il aurait perçu en cas de paiement des heures supplémentaires avec un salaire majoré chaque année de 1,25 %, comme lors de la première augmentation. 
Sur la base de ces chiffres, la prétention du recourant se révèle abusive, même sans tenir compte de l'augmentation importante de la gratification à partir de 2011, considérée comme une éventuelle contre-prestation d'heures supplémentaires. 
Au surplus, on ne voit pas en quoi le recourant peut se prévaloir de la théorie de l'imprévision qu'il invoque à titre subsidiaire. 
En conclusion, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en rejetant, pour cause d'abus de droit, la prétention de l'employé en rémunération des heures supplémentaires. 
 
6.  
Il convient à présent d'examiner si, comme l'employeuse le prétend, l'employé commet également un abus de droit en réclamant le paiement de son travail supplémentaire au taux de 125 %. 
 
6.1. Il n'est pas contesté que l'employé n'exerçait pas une fonction dirigeante élevée au sens de l'art. 3 let. d LTr, ce qui l'aurait exclu du champ d'application de la LTr.  
A la différence de la rétribution des heures supplémentaires, la rémunération à hauteur de 125 % du salaire de base du travail supplémentaire non compensé par un congé de même durée résulte d'une disposition impérative - l'art. 13 LTr - à laquelle les parties ne peuvent pas déroger, en prévoyant par exemple que la rétribution pour le travail supplémentaire serait forfaitairement incluse dans le salaire de base; il s'ensuit qu'une renonciation du travailleur au paiement des heures supplémentaires selon l'art. 321c al. 3 CO ne peut valoir renonciation à la rémunération du travail supplémentaire fondée sur l'art. 13 LTr (ATF 139 III 411 consid. 2.5.5; 138 I 356 consid. 5.4.5.1; 136 III 539 consid. 2.5.1; 126 III 337 consid. 6c). 
 
6.2. En l'espèce, cette différence se révèle déterminante pour apprécier l'existence d'un éventuel abus de droit de la part de l'employé.  
La prétention fondée sur l'art. 321c al. 3 CO, exercée après la fin des rapports de travail, est abusive parce que, par son attitude, l'employé a laissé croire, pendant la durée du contrat, qu'il renonçait à la rémunération spécifique des heures supplémentaires et acceptait une rétribution forfaitaire, ce qui a amené l'employeuse à lui accorder plusieurs augmentations de salaire substantielles. Or, pour le travail supplémentaire, l'employé ne pouvait pas renoncer à l'indemnité prévue à l'art. 13 al. 1 LTr. Pour sa part, faute d'avoir indiqué sur les fiches de salaire la part afférente aux heures de travail supplémentaires, l'employeuse ne pouvait pas avoir rempli son obligation légale de payer le travail supplémentaire, y compris avec un supplément de salaire de 25 %. Le silence opposé par l'employé aux différentes augmentations de salaire ne saurait dès lors avoir une quelconque portée juridique. En d'autres termes, il n'y a pas de circonstances particulières qui rendraient abusif l'exercice, à la fin des rapports de travail, de la prétention en indemnisation du travail supplémentaire. 
Le grief de la recourante tiré d'une violation de l'art. 2 al. 2 CC est mal fondé. 
 
7.  
C'est à bon droit que la cour cantonale a rejeté les prétentions en paiement des heures supplémentaires, y compris les 60 premières heures au-delà du maximum légal, et a alloué à l'employé ses prétentions en paiement du travail supplémentaire. 
Sur le vu de ce qui précède, les deux recours doivent être rejetés. 
Les frais judiciaires afférents à chaque recours seront mis à la charge de leur auteur (art. 66 al. 1 LTF). Les dépens seront compensés (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 4A_304/2021 et 4A_312/2021 sont jointes. 
 
2.  
Le recours de A.________ est rejeté. 
Le recours de B.________ SA est rejeté. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr. dans la cause 4A_304/2021, sont mis à la charge du recourant. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr. dans la cause 4A_312/2021, sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Les dépens sont compensés. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 10 mars 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Godat Zimmermann