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Urteilskopf

121 I 306


42. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 17 novembre 1995 dans la cause L. contre Ministère public du canton de Neuchâtel (recours de droit public)

Regeste

Art. 6 Ziff. 3 lit. d EMRK, Art. 4 BV; Recht auf Einvernahme von Be- und Entlastungszeugen.
Die Einvernahme eines V-Mannes darf in der Regel nicht verweigert werden, es sei denn, sichere Anhaltspunkte würden ausschliessen, dass er eine wichtigere Rolle gespielt hat, als aus den Akten ersichtlich ist (E. 1).
Art. 6 Ziff. 1 EMRK, Recht auf öffentliche Verhandlung.
Falls die Geheimhaltung eines V-Mannes nicht mit anderen Mitteln möglich ist, kann dessen Einvernahme unter Ausschluss der Öffentlichkeit erfolgen (E. 2).

Sachverhalt ab Seite 307

BGE 121 I 306 S. 307

A.- Par jugement du 17 novembre 1994, la Cour d'assises du canton de Neuchâtel a condamné L., pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, à la peine de 11 ans de réclusion.
Statuant le 2 mai 1995, la Cour de cassation neuchâteloise a rejeté le pourvoi formé par le condamné.

B.- Contre cet arrêt, L. a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquant une violation du droit à l'interrogatoire des témoins à charge et à décharge garanti par les art. 6 par. 3 let. d CEDH et 4 Cst., ainsi qu'une violation du droit à la publicité des débats garanti par l'art. 6 par. 1 CEDH, il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée et sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. a) Le recourant invoque une violation du droit à l'interrogatoire des témoins à charge et à décharge, qui est garanti aussi bien par l'art. 6 par. 3 let. d CEDH, que par l'art. 4 Cst. Il fait valoir en substance qu'il a été mis en contact avec l'agent infiltré B. par l'entremise d'un prénommé P., qui était lui-même mis en oeuvre par la police. Il allègue que P. l'a incité à agir et que l'interrogatoire de cette personne pourrait être utile afin d'apprécier la gravité de sa faute et, en conséquence, de fixer la peine. Il explique qu'il a constamment demandé cet interrogatoire, mais sans succès.
BGE 121 I 306 S. 308
Il résulte de l'arrêt attaqué que la cour cantonale a estimé que cet interrogatoire ne pouvait rien ajouter au dossier, que le rôle de P. avait été trop limité, qu'aucun élément du jugement attaqué ne permettait de penser que les rapports avec cette personne avaient influencé la condamnation du recourant et qu'il était suffisamment établi que celui-ci était de toute manière prêt à trafiquer des stupéfiants.
b) Selon l'art. 6 par. 3 let. d CEDH, tout accusé a notamment le droit d'interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. La jurisprudence a admis que le même droit découle de l'art. 4 Cst. (ATF 120 Ia 48 consid. 2b/aa, ATF 118 Ia 457 consid. 2b, 462 consid. 5a, 116 Ia 289 consid. 3, ATF 114 Ia 179 consid. a). Il s'agit d'une règle concrétisant le droit à un procès équitable garanti par l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 116 Ia 289 consid. 3b).
Les éléments de preuve doivent en principe être produits en présence de l'accusé lors d'une audience publique, en vue d'un débat contradictoire (ATF ATF 118 Ia 327 consid. 2b/aa). Cette règle tend à assurer l'égalité des armes entre l'accusateur public et la défense (ATF 104 Ia 314 consid. 4b; ARTHUR HAEFLIGER, Die EMRK und die Schweiz, Berne 1993, p. 194).
L'accusé ne peut en principe exiger qu'une seule fois d'exercer le droit d'interroger ou de faire interroger des témoins (ATF 120 Ia 48 consid. 2b/aa, ATF 118 Ia 457 consid. 2b/aa, ATF 116 Ia 289 consid. 3a, ATF 113 Ia 412 consid. 3c; MARK E. VILLIGER, Handbuch der EMRK, Zürich 1993, p. 279 no 472). Peu importe à quel stade de la procédure cette possibilité lui est offerte (ATF 116 Ia 289 consid. 3a; VILLIGER, op.cit., loc.cit.), de sorte que l'accusé ne peut pas exiger d'exercer son droit déjà au stade de l'instruction.
Pour ce qui est des témoins à décharge cités par la défense, la doctrine admet qu'il suffit que le tribunal entreprenne toutes les démarches adéquates pour assurer leur comparution (THEO VOGLER, Internationaler Kommentar zur EMRK, Cologne 1992, p. 224 no 570).
L'art. 6 par. 3 let. d CEDH n'exclut pas de refuser l'interrogatoire d'un témoin parce que la déposition sollicitée n'est pas pertinente ou parce que les faits sont déjà établis à la suite d'une appréciation anticipée des preuves (cf. FROWEIN/PEUKERT, EMRK/Kommentar, Kehl 1985, art. 6 no 138). Un interrogatoire ne peut être exigé que s'il doit porter sur des faits pertinents et si le témoignage est un moyen de preuve apte à les établir
BGE 121 I 306 S. 309
(cf. HAEFLIGER, op.cit., p. 196 et 150; ATF 115 Ia 8 consid. 2b). L'interrogatoire peut également être refusé par une appréciation anticipée des preuves, c'est-à-dire si le juge parvient sans arbitraire à la constatation, sur la base des éléments déjà recueillis, que l'administration de la preuve sollicitée, même si elle conduit à un résultat favorable au requérant, ne peut plus modifier sa conviction (HAEFLIGER, op.cit., p. 196; ATF 115 Ia 97 consid. 5b).
L'exercice du droit à l'interrogatoire des témoins est soumis aux dispositions de la loi de procédure applicable, qui peut exiger que des demandes soient faites en posant des conditions de forme et de délai; il peut être renoncé, expressément ou tacitement, au droit à l'interrogatoire des témoins; une telle renonciation ne rend pas nulles les dépositions recueillies en cours d'enquête et ne donne aucun droit à ce qu'elles soient répétées (ATF 105 Ia 396 consid. 3b, 104 Ia 314 consid. 4c; cf. VILLIGER, op.cit., p. 279 no 472).
Lorsque l'accusé sollicite l'audition d'un agent infiltré, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que l'interrogatoire de cette personne devait être possible, dans la mesure où il est utile pour établir les faits pertinents, mais qu'il pouvait se dérouler de manière à prendre en compte l'intérêt légitime des autorités de police, dans une affaire de trafic de stupéfiants, à préserver l'anonymat de leur agent pour pouvoir non seulement le protéger mais aussi l'utiliser encore à l'avenir (arrêt Lüdi, vol. 238 no 49). La jurisprudence du Tribunal fédéral a donc admis qu'un agent de police infiltré pouvait être interrogé, après s'être assuré qu'il n'y avait pas de substitution de personne, de manière à n'être ni vu, ni reconnu par sa voix (ATF 118 Ia 331 consid. 2c).
c) En l'espèce, le recourant a constamment sollicité l'audition du prénommé P., mais sans l'obtenir. Il n'est pas prétendu que sa requête n'aurait pas répondu aux exigences de la procédure cantonale. Il a donc régulièrement manifesté la volonté d'exercer son droit et n'y a en aucune façon renoncé.
La jurisprudence admet que le juge doit prendre en compte, dans un sens atténuant, le rôle joué par un agent infiltré dans la mesure où la faute de l'accusé apparaît diminuée parce que l'agent l'a poussé à l'acte ou lui en a facilité la commission (ATF 118 IV 115 consid. 2, ATF 116 IV 294 consid. 2b/aa et bb; CORBOZ, L'agent infiltré, RPS 1993 p. 338 ss). Il était donc pertinent de savoir quel avait été exactement le rôle et l'influence du prénommé P., dont le recourant soutient qu'il était un agent infiltré. Sa déposition était apte à l'établir.
BGE 121 I 306 S. 310
La cour cantonale n'invoque aucun élément qui lui permettrait, par une appréciation anticipée des preuves, d'affirmer d'emblée que la déclaration de P. ne serait pas crédible ou que les faits sur lesquels il doit déposer sont d'ores et déjà établis de manière certaine.
Il est vrai que le rôle du prénommé P. semble avoir été très modeste et l'on peut raisonnablement douter que son audition puisse modifier la décision rendue. Cependant, en l'absence d'éléments de preuve sérieux, on ne peut pas préjuger des déclarations d'un témoin. Rien ne permet d'exclure que l'interrogatoire du témoin révèle qu'il a joué un rôle plus important qu'il n'apparaît en l'état du dossier. Or, l'accusé a précisément le droit d'interroger le témoin direct des faits en vue d'apporter, le cas échéant, une telle preuve. Même s'il est d'ores et déjà suffisamment établi que le recourant était prêt à l'action et que le prénommé P. n'a pas pu jouer le rôle d'agent provocateur, cela ne permet pas de déduire, par une appréciation anticipée des preuves, qu'il n'a pas facilité le passage à l'acte d'une manière telle qu'elle doive être prise en considération au stade de la fixation de la peine. Il est vrai que P. n'est pas un témoin à charge, puisqu'il n'est pas invoqué à l'encontre du recourant, mais il constitue un témoin à décharge dans la mesure où l'accusé entend démontrer qu'il a joué un rôle diminuant sa propre faute.
Quant au souci légitime d'assurer la sécurité d'un agent infiltré, il peut être suffisamment pris en considération en procédant à l'interrogatoire de la même manière que dans le cas de l'agent infiltré B.
Il n'est pas prétendu qu'il serait impossible d'entendre P. pour toute autre raison.
Dans ces circonstances, en refusant toute occasion d'interroger P., l'autorité cantonale a violé le droit constitutionnel invoqué.

2. a) Le recourant invoque également une violation du droit à la publicité des débats, garanti par l'art. 6 par. 1 CEDH. Il fait valoir que le public a été exclu sans raison suffisante de la salle d'audience lors de l'interrogatoire de l'agent infiltré B., qui se trouvait dans une autre pièce et qui était entendu par un moyen technique de communication.
Il résulte de l'arrêt attaqué que le huis clos a été limité à cette seule audition et qu'il était motivé par le fait que cet interrogatoire avait lieu dans les locaux de la police, afin de permettre au témoin de venir et repartir discrètement.
b) L'art. 6 par. 1 CEDH prévoit notamment que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement par un tribunal qui décidera du
BGE 121 I 306 S. 311
bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Cette formulation montre clairement qu'il s'agit d'un droit de l'accusé dont il peut se prévaloir, et non pas d'un droit du public ou de la presse ou encore d'une norme d'organisation relevant exclusivement de l'intérêt public.
Le principe de la publicité des débats tend à garantir à l'accusé et aux autres participants au procès un traitement correct et conforme à la loi; les débats sont publics d'une part à l'égard de la population et de la presse qui, sous réserve d'exceptions, peuvent suivre directement le procès et, d'autre part, à l'égard des parties qui peuvent assister à l'ensemble des débats devant le tribunal; ainsi est assurée la transparence de la justice qui constitue un principe fondamental d'un Etat de droit; la publicité des débats n'est pas conçue seulement comme un droit des particuliers, mais aussi comme une condition de la confiance à l'égard de la justice; dans une démocratie, le peuple dispose d'un certain droit de regard sur le fonctionnement des pouvoirs de l'Etat et la publicité des débats, en particulier par l'action de la presse, permet l'exercice de ce droit pour ce qui est de la manière dont la justice est rendue (ATF 119 Ia 99 consid. 4a, ATF 119 Ib 311 consid. 6b).
Selon l'art. 6 par. 1 CEDH, l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exige, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
Selon la jurisprudence, le principe de la publicité ne peut être écarté que si des motifs de sécurité de l'Etat, de moralité, d'ordre public ou de protection d'intérêts privés prépondérants l'exigent absolument (ATF 119 Ia 98 consid. 4a, ATF 117 Ia 387 consid. 3 et les arrêts cités). Suivant la nature du litige et le pouvoir d'examen de l'autorité, la publicité peut être exclue dans une instance de recours (ATF 121 I 30 consid. 5e et les références citées). Suivant les circonstances, il peut être justifié de n'exclure que le public, et non la presse (ATF 117 Ia 387 consid. 3). L'accusé ne peut déduire de l'art. 6 CEDH aucun droit d'échapper à la publicité des débats (ATF 119 Ia 99 consid. 2a, ATF 119 Ib 311 consid. 6b), mais un tel droit peut éventuellement découler de l'art. 8 CEDH ou de la garantie de la liberté personnelle (ATF 119 Ib 311 consid. 6b). L'accusé peut cependant renoncer à la publicité des débats et son droit peut se
BGE 121 I 306 S. 312
périmer s'il ne l'invoque pas conformément au principe de la bonne foi (ATF 121 I 30 consid. 5f et les références citées, ainsi que les ATF 119 Ia 99 consid. 4, 221 consid. 5).
Le grief est de nature formel, de sorte que la violation du principe de la publicité entraîne l'annulation de la décision attaquée, sans qu'il y ait lieu de se demander si la publicité aurait modifié l'issue du litige (cf. ATF 117 Ia 491 consid. c).
c) Le recourant ne conteste pas, à juste titre, les mesures qui ont été prises pour que l'agent infiltré soit interrogé, après s'être assuré qu'il n'y avait pas de substitution de personne, de manière à n'être ni vu, ni reconnu par sa voix (cf. ATF 118 Ia 327 consid. 2c).
La seule question soulevée est de savoir s'il y avait des raisons suffisantes, au vu des principes qui viennent d'être rappelés, d'exclure le public de la salle d'audience où se trouvait l'accusé.
Comme on l'a vu, le principe de la publicité des débats peut être écarté pour des motifs impérieux touchant à la sécurité, la moralité, l'ordre public ou la protection d'intérêts privés prépondérants; l'autorité doit alors choisir la solution qui permet de sauvegarder ces intérêts en portant l'atteinte la plus faible au principe de la publicité des débats. Dans ces conditions, il est possible de restreindre ou même d'exclure la publicité des débats sans violer l'art. 6 par. 1 CEDH.
En l'espèce, l'autorité cantonale a justifié le huis clos par le fait que l'audition de l'agent infiltré, qui s'exprimait par le biais d'un système de micros et de haut-parleurs depuis une pièce adjacente à celle dans laquelle se trouvaient la cour, les prévenus, leurs mandataires et le Ministère public, avait lieu dans un autre bâtiment que celui où s'était déroulé le reste du procès; le choix de ce lieu avait été déterminé par la volonté de permettre au témoin d'arriver et de repartir discrètement, de manière à ne pas compromettre son anonymat. Ces motifs ne suffisent pas à justifier l'exclusion de toute publicité pour cette audition. En effet, on ne saisit pas, à la lecture de l'arrêt attaqué, pourquoi la sauvegarde de l'anonymat de l'agent infiltré, qui est en soi manifestement un intérêt digne de protection susceptible de faire admettre une restriction au principe de la publicité, ne pouvait être garantie que par le prononcé du huis clos. Une telle mesure ne serait admissible que s'il n'était pas concevable que le témoin s'exprime depuis un endroit où son arrivée et son départ pouvaient se faire en toute discrétion mais soit auditionné depuis un local permettant d'accueillir la cour, les parties et le public. La cour
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cantonale n'a pas mentionné que la salle dans laquelle se trouvaient la cour et les parties pour auditionner l'agent infiltré ne permettait pas d'accueillir le public; il n'est pas dit non plus dans l'arrêt attaqué qu'il aurait été excessivement compliqué de concevoir une organisation permettant, par exemple, au témoin de déposer depuis le local dans lequel il l'a fait alors que la cour, les parties et le public l'auditionnaient depuis la salle dans laquelle s'est déroulé le reste du procès.
Dès lors, si les motifs invoqués par l'autorité cantonale sont pertinents, la motivation de l'arrêt attaqué n'est pas suffisante pour que l'on puisse admettre que l'exclusion du public était justifiée car elle apparaissait nécessaire pour garantir l'anonymat de l'agent infiltré. Dans cette mesure, l'arrêt attaqué viole donc le droit à la publicité des débats. Comme ce grief est de nature formel, il n'y a pas à se demander si cette violation est susceptible de modifier l'issue du litige. Le recours doit donc être admis.

3. Frais.

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